Dessoy Etienne

Rendre plus visible l’approche systémique et établir sa pertinence aujourd’hui à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation constitue l’objet de ce texte. Celui-ci n’est pas un plaidoyer, il ne veut rien prouver. Il raconte une aventure, qui peu à peu devient scientifique, à partir de la fréquentation d’un monde construit par de jeunes personnes réputées psychotiques, monde à la fois fascinant et révoltant. Fascinant, pour peu que le professionnel puisse travailler à visage découvert, sans masque devant la terrible réalité des « regards » de ces jeunes qui nous transpercent en nous obligeant d’aller à chaque rencontre puiser à l’essentiel de nous-même.

Qui est Étienne Dessoy ?

Étienne a toujours laissé des traces d’amitiés fortes et durable. Il a été le premier à soutenir l’existence de ce site et à fait partie des membres fondateurs. Il aimait partager.
Jacques Beaujean.
Voici ce qu’il disait dans une introduction sur sa contribution aux Universités de Liège(ULG) et de Louvain(UCL) :
L’approche systémique veut cerner davantage les relations entre l’homme et son environnement. Non plus l’homme compartimenté, non plus le contexte en dehors de lui, mais plutôt la recherche du dialogue continuel qui lie l’homme et son contexte afin d’approcher davantage les implications d’une systémique humaine. Mais qu’est-ce qu’un contexte ? Qu’est-ce qu’un environnement ? Aujourd’hui encore, l’objet d’étude de la systémique demeure incertain. S’agit-il d’étudier des interactions ? Le système ?

A cela, Edgar Morin répond qu’il n’existe pas, à ce jour, une définition satisfaisante du système. Alors, si l’homme dialogue, avec qui le fait-il ? Voici la question centrale à laquelle nos recherches tentent d’apporter une réponse en proposant l’idée de “ milieu humain ” comme objet d’étude possible d’une certaine systémique.
L’approche systémique fait partie des trois grands paradigmes généralement reconnus en psychologie clinique, aux côtés de la psychanalyse et de l’approche cognitivo-comportementale.

Elle se différencie significativement des autres paradigmes par son objet d’étude, sa manière de poser un diagnostic et ses modes d’intervention. Le sujet est traditionnellement l’objet d’étude des psychanalystes et des cognitivo-comportementalistes. Les systémiciens, tout en s’y intéressant aussi, l’envisage dans les communications qui ne cessent de relier les sujets entre eux, en formant une nouvelle réalité signifiante, le milieu humain. Ce milieu, construit par l’homme, possède néanmoins sa propre réalité. Il poursuit même des finalités qui lui sont particulières et avec lesquelles les membres se confrontent dans un incessant dialogue où l’enjeu concerne le degré de liberté dont peut jouir l’homme en regard de la fidélité qu’il doit manifester au groupe auquel il appartient. Pour peu que le milieu insiste et s’impose, l’homme perd de sa liberté, mais gagne en appartenance. Si, à l’inverse, le milieu semble évanescent, l’homme acquiert davantage de liberté, mais perd en appartenance.

Rendre plus visible l’approche systémique et établir sa pertinence aujourd’hui à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation constitue l’objet de ce texte. Celui-ci n’est pas un plaidoyer, il ne veut rien prouver. Il raconte une aventure, qui peu à peu devient scientifique, à partir de la fréquentation d’un monde construit par de jeunes personnes réputées psychotiques, monde à la fois fascinant et révoltant. Fascinant, pour peu que le professionnel puisse travailler à visage découvert, sans masque devant la terrible réalité des « regards » de ces jeunes qui nous transpercent en nous obligeant d’aller à chaque rencontre puiser à l’essentiel de nous-même. Révoltant ensuite devant toute notre impuissance à modifier leur condition humaine et à les aider à accéder à notre monde. Cette révolte ne nous a jamais quitté, elle fut le moteur de notre recherche.
Un premier volet retrace mon parcours de chercheur en systémique. Il évoque d’abord les origines de l’approche systémique et désigne la « pragmatique de la communication » comme le premier champ de recherche et d’action du paradigme à partir duquel je me suis formé. Sont ensuite décrits brièvement l’éventail des thérapies familiales, les courants et les écoles qui se sont progressivement développés et qui font de ces thérapies ce qu’elles sont aujourd’hui.
La question centrale de ma participation à la recherche en systémique est ensuite abordée, à partir d’un questionnement sur le traitement institutionnel de la psychose chez l’enfant. Travaillant comme psychologue au sein d’une équipe pluridisciplinaire, celle-ci s’est progressivement transformée en équipe de recherche, mettant constamment à l’épreuve de la réalité clinique les résultats de ses investigations théoriques. Le fait d’avoir travaillé en équipe explique l’utilisation du « je » et du « nous » dans l’écriture, le « nous » n’est pas de modestie, mais renvoie à l’équipe. Cette recherche institutionnelle se prolonge pendant 20 ans et se termine à la défense de ma thèse ; elle se donne un nouveau souffle lorsque de nouvelles recherches sont promues, cette fois universitaires, quand je suis nommé chargé de cours d’abord à l’ULG, ensuite à l’UCL.
En quelque sorte, ce volet est la biographie d’une recherche dans la mesure où il prend le lecteur par la main et lui fait suivre une reconstruction des étapes essentielles de ma recherche. L’écriture se veut plus familière que celle d’un article scientifique, parce que je me hasarde à expliquer l’essentiel des questions posées par ma clinique - l’enfant psychotique, la thérapie de sa famille et son traitement institutionnel - ainsi que la teneur des réponses que nous leur avons données, à la manière d’une aventure scientifique et humaine. J’aurais pu collationner l’ensemble des articles publiés qui rendent comptent des résultats de cette recherche, collationner aussi des articles de mes collègues européens et américains, mais leur abord technique n’aurait pas permis au lecteur de se faire une idée de la démarche et de ses résultats. Finalement le chapitre raconte une nouvelle manière de concevoir l’homme en société, l’organisation d’un système, sa transformation en organisation rigide et les traitements qui peuvent être appliqués.
Le deuxième volet propose un panorama des différents champs où s’applique aujourd’hui l’approche systémique. Il énumère ensuite les centres où peuvent se former les thérapeutes familiaux et les systémiciens : l’état des lieux indique que les systémiciens universitaires sont peu nombreux, en regard du développement exponentiel de la systémique observé sur le terrain.
Le troisième volet évoque l’influence de ces recherches sur l’enseignement et sur la recherche actuelle à la Faculté de psychologie ; il indique aussi les ouvertures de la psychologie systémique à d’autres domaines de la science. L’impact de ces recherches sur l’enseignement universitaire et la formation de nos étudiants à la clinique systémique est évident dans la mesure où mon souci est de former de bons cliniciens munis de méthodes, sans doute difficiles à acquérir, mais qui feront d’eux de futurs chercheurs en sciences humaines, que ce soit sur le terrain de la clinique ou à l’université.

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