Pauzé : L’ÉVALUATION EN PSYCHOTHÉRAPIE

Le Dr Havet du CHU de Reims nous a envoyé le texte de la conférence de Robert Pauzé le 22/09/2011 à l’usage des membres du site de la conférence de Robert Pauzé réalisée à Liège au CFTF en 2011.
Un tout grand merci.

Les fichiers en MP3 de la conférence se trouve ici http://www.systemique.be/spip/ecrire/?exec=article&id_article=735

L’EVALUATION EN PSYCHOTHERAPIE

ROBERT PAUZE

Je suis thérapeute de familles. J’ai été formé par Jacqueline PRUD’HOMME au Québec, Guy AUSLOS en Suisse et Madame MANTAGANO en Italie. Cela fait 30 ans que je fais de la thérapie familiale. J’ai enseigné pendant 25 ans au Québec dans les universités.

Je pense que vous ne connaissez pas très bien l’approche écologique. Luigi ONNIS travaille beaucoup dans une perspective éco systémique et s’appuie beaucoup sur le modèle écologique sans le nommer comme tel.

J’ai fait beaucoup de consultations en institutions au Québec et en Europe. J’ai vu à travers ces différents contextes les règles générales des milieux institutionnels.

Les 10 premières années de ma vie professionnelle j’ai travaillé comme psychologue dans un quartier défavorisé de Montréal. C’est là que j’ai appris mon métier. Le travail de thérapeute était essentiellement un travail de visites à domicile. Je n’avais pas de bureau. Nous étions une équipe dans un quartier. C’était un travail auprès de familles très défavorisées avec des problématiques complexes. C’est là que j’ai appris que les théories ne résistaient pas toujours à la réalité : j’ai appris à devenir nuancé par rapport aux théories et à me dire à chaque fois qu’il fallait fabriquer quelque chose de nouveau. Quand une nouvelle réalité se présente les théories sont là pour soutenir et pas pour nous enfermer.

Je ne sais pas si ce que je vais vous dire est toujours écologique ou toujours systémique mais je sais que c’est souvent utile. J’ai appris à voir ce qui était utile pour moi.

Je travaille depuis une trentaine d’années avec des patientes anorexiques et boulimiques. J’ai écrit un livre, « l’anorexie chez les adolescentes » qui décrit l’approche écosystémique de l’anorexie.

J‘ai été beaucoup influencé par la pensée de Grégory BATESON. C’est un des premiers noms que j’ai entendus quand j’étais en formation. J’ai donc acheté les livres de BATESON. J’ai lu ses livres, je n’ai rien compris. J’ai relu son œuvre environ 10 fois et j’ai écrit un livre « Grégory BATESON : itinéraire d’un chercheur ».

La pensée de BATESON est une pensée très écologique, très systémique. Dans son dernier livre « la nature et la pensée » c’est une perspective écosytémique de la réalité qui est présentée. Cet auteur a beaucoup marqué ma pratique clinique. Deux choses m’ont marqué : la question de la théorie de l’économie de souplesse et une autre idée. Dans la vie, ce sont souvent 3 ou 4 idées qui nous influencent et, après, on fait du chemin. Quand j’ai commencé à travailler en milieu défavorisé à Montréal j’avais un doctorat en psychologie et un doctorat en thérapie comportementale. A l’époque au Québec on était soit psychanalyste soit béhavioriste. L’approche écologique a beaucoup émergé des béhavioristes qui étaient très intéressés par l’impact des contextes. Un auteur disait comment on doit travailler avec les problématiques multiples où les familles sont confrontées à plusieurs facteurs de risques, à un cumul de problématiques. Comment faire pour s’en sortir ? Quand on est dans un contexte où il y a beaucoup de variables (BATESON dirait beaucoup de variables saturées, guindées où le système est complètement figé) il faut chercher dans le système une dimension sur laquelle on va se mettre à travailler. On cherche la dimension sur laquelle on pense qu’il y aura le plus d’effets de généralisation. J’essayais donc de voir dans les familles la dimension qui semblait la plus prometteuse, qui semblait acceptable pour la famille, sur laquelle la famille acceptait que l’on travaille sans la brusquer. En travaillant sur cette dimension on risquait de déboucher sur un certain nombre de choses qui ne seraient pas abordées directement.

Généralement, dans un système quand une variable devient saturée, elle va affecter tout l’ensemble du système, sa souplesse. C’est donc l’idée de chercher des variables guindées, et la variable sur laquelle on portera une attention soutenue puisqu’on pense qu’en travaillant sur une telle variable cela aura probablement un effet de généralisation.

Pour moi, un clinicien est un chercheur qui utilise les mêmes méthodologies qu’en recherche. Quand on fait de la recherche on regarde la littérature, on pose une question, on fait une méthode, on évalue, on voit si quand on fait l’intervention ça donne le résultat prévu.

En clinique, on écoute, on évalue, on applique un plan d’intervention et à la fin on évalue si ça a donné le résultat escompté.

Pour moi, clinique et recherche sont indissociables. Il y a un schisme immense entre thérapie familiale et recherche en thérapie familiale. C’est dommage parce que l’une et l’autre sont nécessaires à l’une et à l’autre pour évoluer. Je suis un chercheur clinicien. Je me nourris beaucoup de la recherche pour faire de la clinique. Et, c’est ma chance que je fasse de la clinique parce que ça me permet de faire de la bonne recherche.

Je suis développeur de programme, responsable d’un groupe de recherche. En Amérique ce qui est important actuellement c’est l’implantation des programmes probants, des programmes qui donnent de l’efficacité, des programmes évalués selon une approche expérimentale qui fait la preuve que l’application de ce programme donne des résultats presque assurés. On propose aux psychiatres en Amérique l’apprentissage des programmes probants, de méthodes qu’on applique systématiquement en fonction de la problématique. Vous avez un jeune qui présente un trouble oppositionnel. Vous tapez sur l’ordinateur trouble oppositionnel et il sort toute une série de programmes probants sur les troubles oppositionnels. On vous dit le programme qui est le plus prometteur en fonction de l’âge de l’enfant. Et il suffit d’appliquer la recette. Si a l’université on n’enseigne pas les programmes probants on est suspect.
Dans notre équipe de recherche, on se pose plutôt la question de la pertinence des programmes probants. Les programmes probants sont extrêmement efficaces en recherche. On a sélectionné une population, on a appliqué un programme, on a évalué, on a contrôlé les variables (le sexe du thérapeute, le nombre d’années d’expérience du thérapeute) et on regarde si à la fin de l’intervention ça donne des résultats ou pas. Le problème c’est que si on a une science des programmes probants on n’a pas de science de l’implantation de ces programmes.

Comment faire pour implanter des programmes probants ? Comment fait-on dès qu’on a des connaissances en recherche, pour faire en sorte que ça change quelque chose dans la réalité des intervenants ? C’est probablement le plus grand défi qu’on vit actuellement.

Quand on propose des programmes écrits d’avance à des intervenants la probabilité…

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