Notre modèle de construction des savoirs s’inspire des processus mis en œuvre dans la rencontre thérapeutique organisée en tenant compte des principes de fonctionnement des systèmes humains.

Selon l’approche systémique, la consultation intervient quand un système tourne en rond et se donne la sensation d’être bloqué en raison de rigidités excessives ou lorsqu’il risque d’éclater en raison d’un fonctionnement chaotique.

Dans ces moments, les capacités narratives du système sont altérées. Il échoue à faire évoluer son histoire, en raison de problèmes qui pourraient apporter une richesse à celle-ci.

La thérapie/l’intervention correspond à la création d’un espace–temps propice à renouveler les capacités narratives du système grâce à la rencontre avec un tiers. Pris au piège de leur narrativité, les participants désirent le changement sans parvenir à l’accomplir par eux-mêmes, craignant qu’il déstabiliserait l’équilibre de manière inconfortable. Le thérapeute/intervenant, pour autant qu’il ne se laisse pas absorber par la narration officielle proposée par le système, peut les aider à trouver ensemble des nouveaux schémas narratifs.

Tout en validant les récits dominants (officiels), le thérapeute/intervenant va favoriser la production de récits alternatifs, ou favoriser la production de récits plus ouverts aux liens intergénérationnels. En s’appuyant sur son imaginaire et ses connaissances qu’elles soient théoriques ou d’expériences, en stimulant l’imaginaire et les vécus des consultants, le thérapeute/intervenant permet aux parties en opposition, voire en conflit, de s’ouvrir à ce que des récits moins symétriques améliorent leurs relations en augmentant la congruence de ceux-ci avec les finalités poursuivies par le système.

La stimulation de l’imaginaire des participants et du thérapeute/intervenant est essentielle pour que s’ouvrent les oreilles, les esprits et les cœurs. C’est ici qu’interviennent, notamment, les objets médiats tels que génogrammes, objets flottants, sculptures, etc. qui sont autant de moyens par lesquels les participants peuvent renouveler leur capacité narrative.

Mais l’intervenant/thérapeute doit aussi être à même d’utiliser, dans une méta communication avec lui-même, les isomorphismes dans lequel il se trouve dans le lien avec les consultants. Cet isomorphisme met en lumière les besoins de stabilité du système relationnel qu’il forme lui aussi avec les consultants. Il indique les chemins possibles et réalistes de la perspective acceptable pour eux d’une évolution.

Au fond, les candidats en formation nous semblent très analogues aux systèmes consultants. Eux aussi sont bloqués, voire au bord de l’implosion, au moment d’entamer leur formation.

Leurs histoires dominantes, ou plus exactement leurs modèles de référence dominants pour soutenir leurs interventions leur paraissent insuffisants, et leur processus narratif en tant qu’intervenants est entravé.

Comme pour les participants à une thérapie/intervention, la tentation est grande de s’en remettre à un spécialiste qui leur enseignerait de façon descendante de nouvelles théories assorties d’outils inédits et de viser ainsi plus le résultat qu’un processus de changement dans les difficultés de son évolution.

À cette approche, nous préférons la construction collaborative du savoir. Il s’agit non pas d’enseigner des savoirs, mais de soutenir les apprenants dans la construction collective de nouveaux savoirs. Par leurs échanges, les apprenants deviennent sources de savoir les uns pour les autres, négocient les modalités de construction du savoir et les modes d’évaluation des apprentissages réalisés.

Dans l’apprentissage collaboratif, le formateur, comme le thérapeute/intervenant en séance, conserve un rôle actif. Il propose ainsi des thématiques, des supports, pour les aborder et intervient comme garant du bon déroulement du processus et du cadre dans lequel il se déroule en se référant aux théories comme valeur d’échange et de recherches.

Dans ce contexte aussi, la stimulation imaginaire est essentielle. Il recourra d’ailleurs aux mêmes moyens que ce mis en œuvre en thérapie/intervention.

Le but n’est alors pas seulement de transmettre mécaniquement la manière d’utiliser tel outil, mais plutôt de permettre à chacun d’en faire l’expérience puis d’échanger autour de ces expériences pour permettre à chacun d’éprouver les processus mis en branle par l’outil.

À mesure qu’ils intègrent activement les outils, mais aussi les théories ou les dispositifs thérapeutiques, les apprenants trouvent le moyen de renouveler la narrativité en tant qu’apprenants.

Munis de cette expérience, ils peuvent renouveler leur approche thérapeutique ou d’intervention en l’organisant sur le modèle incorporé en formation. Les outils, les théories ou les dispositifs thérapeutiques expérimentés seront non pas utilisés machinalement, mais proposés de manière incarnée.

En apprenant les uns aux autres, les uns avec les autres, on apprend sur soi-même. Le modèle de l’apprentissage collaboratif rejoint ainsi la démarche de la thérapie/intervention : les systèmes consultants/apprenants disposent de savoir qu’ils méconnaissent parfois et en combinant leurs savoirs à ceux du formateur, tout le monde apprend sur soi-même y compris le thérapeute/intervenant ou le formateur.

Tout ce processus de passages vers une évolution nécessite une large place à l’apprentissage dû à la répétition de "ses erreurs" , mais aussi à la célébration de ses succès. C’est aussi une valorisation de la recherche sur la singularité de chaque situation humaine, mais faites en commun.

Faire en commun ne veut pas dire que les uns et les autres ne sont pas différenciés dans l’espace commun, au contraire. Il appartient que chacun se sente reconnu comme "acteur singulier", lui aussi en complémentarité avec les autres.