Prendre en charge la souffrance à l’hôpital Patients, soignants, familles.

Cet article est un résumé du livre de Laurent Morasz qui propose de soutenir et d’éclairer, de façon didactique, la démarche quotidienne de ces professionnels qui, tout en accomplissant ce pour quoi ils ont été formés, c’est-à-dire soigner les maladies, tentent également de prendre soin des malades qui en sont porteurs.

PRENDRE EN CHARGE : LA SOUFFRANCE A L’ HOPITAL.

Patients, soignants, familles.

Par Laurent Morasz.

Notre société est de plus en plus technicisée, contraignante et morcelée. Elle repose sur un déni humain, c’est-à-dire de la pulsion et de l’inconscient. Nul doute alors que la médecine suive le même chemin et devienne fragmentée et morcelante en ne se préoccupant que d’un organe ou d’une fonction. C’est ce que l’on constate dans ces places fortes de l’efficacité et de la performance que sont devenus les hôpitaux. N’est-il pas temps de se demander pourquoi rien n’est moins hospitalier qu’un centre hospitalier ?

PARTIE 1 : La médecine et la souffrance

Introduction

« Supporte la souffrance et abstiens-toi de t’en plaindre, voire même d’en parler. Ne trouble pas, par ce qui est humain en toi, les réflexions et les actions scientifiques que nous déployons pour te libérer du mal qui t’habite : la maladie. Le reste n’est que subjectivité, pour ne pas dire futilité, dans cette lutte quotidienne que nous menons pour toi. » Voilà ce que de nombreux patients ont pu entendre, comprendre ou deviner, dans un message qui résonne toujours avec force ? Cet état de fait regrettable est en grande partie lié à l’évolution techniciste d’une médecine moderne dont les progrès ont favorisé le recours privilégié à une approche ontologique du soin, développée au détriment de la tradition hippocratique fondatrice héritée d l’Antiquité.

Mais cette modernité a maintenant montré ses limites :

 Limites techniques : mise en évidence de patients qui ne répondent pas (ou pas suffisamment) aux traitements proposés,
 Limites humaines : explosion d’une exigence sociale autour de la qualité de vie, de la qualité des soins et de son évaluation,
 Limites socio-économiques : envolées des coûts de santé liés à des avancées biotechnologiques de plus en plus dispendieuses

Ces limites placent notre système de santé à un tournant de son histoire en l’obligeant à se pencher sur la question d’une prise en charge plus globale et plus cohérente du patient, qui tiendrait compte de son indissociable unité somato-psychique.

CHAPITRE 1 : Deux Médecines pour un malade

1. Les deux Médecines

La médecine physique ou somatique a pour objet, sur des bases scientifiques, la composante physique de la maladie et de la souffrance. La maladie est perçue comme une entité autonome, extérieure et indépendante du corps qui la « porte ». Tous les efforts thérapeutiques sont concentrés sur une maladie placée en position d’extériorité qui prend de fait le statut d’ennemi commun que les soignants et patients s’efforceront de combattre « ensemble », dans une lutte farouche qui a priori ne pourra qu’être parasitée par des manifestations affectives réciproques.

A l’opposé, la psychiatrie se déploie, sur des fondements humanistes, autour de la souffrance psychique d’un patient pourtant toujours aussi indivisible... La maladie est considérée comme faisant partie du monde des objets naturels, et l’homme, qu’il soit sain ou malade, se comporte comme une unité de la nature. L’expression pathologique est le signe d’une tentative de guérison de l’organisme qui, même inefficace, relève d’un registre de normalité. Le symptôme témoigne d’une réaction physiologique défensive de l’organisme face à la perturbation de son unité. La maladie n’est plus dans ce modèle l’ « ennemi à abattre » mais un partenaire à apprivoiser. Le soin hippocratique consiste donc à accompagner et à favoriser le retour à l’équilibre de cette unité naturelle qu’est l’homme.

Encore aujourd’hui, il n’y a pas une prise en charge globale du patient malgré la prise de conscience de nombreux soignants de l’effet réducteur de l’utilisation d’une seule de ces deux approches.

Le concept de résistance, qui relève essentiellement du champ de l’inconscient, peut partiellement expliquer le fait que les soignants éprouvent des difficultés à prendre en charge le patient de manière globale.
En effet, s’occuper de la souffrance implique d’abord de…

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