Miermont : Contextualisations, communication et cognition

Jacques Miermont*

La notion de contexte mérite d’être étudiée tant du point de vue des théories de la communication, que du point de vue des théories de la cognition. Bien plus, les processus communicationnels et cognitifs semblent extrêmement interdépendants tant ce qui concerne la compréhension que la création de contextes.

Alors que G. Bateson envisage l’étude de la cognition dans celle de la communication (Communication, a Social Matrix of Psychiatry, trad. franç. : Communication et société), D. Sperber et D. Wilson inscrivent l’étude de la communication dans celle de la cognition (La pertinence). Je proposerai l’hypothèse selon laquelle l’autonomie d’un organisme vivant et d’une organisation reliant plusieurs organismes surgit par la création de “boucles étranges” qui relient la communication et la cognition, c’est-à-dire de hiérarchies enchevêtrées entre contextes de présentation et contextes de représentation. Il apparaîtra de plus que l’étude des contextes est intrinsèquement liée à la production et à la compréhension des signes normaux et pathologiques, dans leurs dimensions pragmatiques (effets concrets liés à leur usage), syntaxiques (agencements des signes) et sémantiques (sens et significations liées à leurs systèmes de référence).

CONTEXTE ET COMMUNICATION

Peut-on définir le contexte ?

S’il est un chercheur qui a insisté sur l’importance des effets contextuels dans la compréhension des signes normaux et pathologiques, voire de leurs transformations, c’est bien G. Bateson. Et pourtant, une définition explicite du contexte est absente dans son oeuvre. Il n’en parle que de manière allusive, par décalages successifs à partir d’exemples qui peuvent vite apparaître hétérogènes. Le contexte apparaît dans les prémisses de la communication, à partir d’un ensemble hiérarchisé de règles qui gouvernent la manière dont les messages doivent être construits ou interprétés, en fonction des niveaux d’apprentissage (G. Bateson, 1971).

Il existe vraisemblablement des raisons à cette difficulté de cerner un tel concept : le terme de contexte fait référence à un “texte” qu’il faudrait également définir ; jusqu’où ce “texte” n’est-il pas déjà un contexte ? Si l’on reprend la définition du Petit Robert, on tombe sur deux acceptions :

— (1) ensemble du texte qui entoure une unité de langue (mot, phrase, fragment d’énoncé) et qui sélectionne son sens, sa valeur (... concordance)

— (2) ensemble des circonstances dans lesquelles s’insère un fait (situation, environnement, conjoncture).

Une troisième acception peut être énoncée, en particulier si l’on considère les situations de psychopathologie clinique :

— (3) ensemble des informations verbales et non verbales qui connotent la prise de parole, le discours, tels qu’ils sont interprétés par les interlocuteurs d’une conversation, ou des observateurs plus ou moins extérieurs à une interaction. Cette troisième version pourrait être celle de la pragmatique des communications. Le contexte est alors envisagé comme “ce qui entoure la conversation”, la conversation étant un fait particulier, un ensemble d’actes de langage.

Une quatrième définition s’ensuit :

— (4) systèmes de référence permettant de repérer la place de la conversation dans l’ensemble des faits, c’est-à-dire les interférences entre les faits généraux (normaux et pathologiques) et les actes conversationnels. Ce qui pose la question du statut du langage et de son usage dans la théorie générale des signes.

Il existe là des différences d’appréciation selon les écoles de pragmatique. Alors que les théories batesoniennes (issues du courant “sémiotique” de C.S. Peirce) conjoignent les trois définitions dans une perspective aussi large et globale que possible (intégrant les apports de la théorie de l’évolution), la démarche ouverte par D. Sperber et D. Wilson (prolongeant le courant “sémiologique” de F. de Saussure), qui sera exposée plus loin, repose préférentiellement sur la troisième définition, exclusive des autres.

Dans une perspective intégrative, F. Armengaud (1982, 1993) propose une “typologie quadripartite” des contextes en distinguant :

— le contexte circonstanciel, factuel, existentiel, référentiel : l’identité des interlocuteurs, leur environnement physique, le lieu et le temps où les propos sont tenus ;

— le contexte situationnel ou paradigmatique : l’environnement culturellement médiatisé, présentant plusieurs finalités, définissant un cadre socialement reconnu, et présentant un sens immanent partagé par les interlocuteurs d’une culture donnée : un spectacle, une transaction commerciale, un flirt, une cérémonie religieuse, un échange de blagues entre amis ;

— lle contexte interactionnel  : l’enchaînement des actes de langage entre interlocuteurs, produisant des effets pragmatiques en fonction de leurs formes : propositions, objections, interrogations, questions, réponses, rétractations, etc.

— le contexte présuppositionnel : les présupposés, croyances,…

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